Bye bye morabeza...
Ça fait presque deux mois qu'on est là... Beluga a sillonné les eaux de l'archipel capverdien grâce au souffle magique des Alizés dans lesquels se mêlait parfois l'Harmattan, amenant avec lui du sable qui fardait tout d'une brume presque bretonne.
Il y a eu Palmeira à Sal, tout à l'Est. Où on est arrivé et où on a eu du mal à décoincer. Pourtant, le village et plus largement l'île n'ont rien d'exceptionnel. Il y a certes une plage mais la couleur brunâtre de l'eau rappelle plus certains fleuves nordiques moribonds que le sable blanc et les eaux turquoises des Tropiques. L' île ressemble à un gigantissime court de Roland Garros avec en plus, des grosses bosses, trois ou quatre grandes collines et des déchets qui volent au vent fou ou restent coincés sous un gros caillou. Partout, poussière rouge avec parfois un arbuste échevelé qui s'y aventure, roussi par le trop plein de soleil avant d'avoir grandi. Pourtant, l'année dernière déjà, on avait eu du mal à partir. Il y a là-bas un truc qui retient les pieds, la tête et l'ancre. Un truc qui brille dans les sourires. Un truc, le dimanche soir, où guitares et maracas font gicler rythmes et mélodies sur les voix d'armoires à glace locales, pourtant plus soyeuses qu'un vol de papillon. Un truc qui sort des yeux des gamins qui attendent sur la plage notre débarquement, après avoir défié le calme des ruelles par des courses de brouette.
Un truc chez ces gars qui passent l'après-midi, plus concentrés qu'un coulis de tomates, à jouer à l'awale, comme des enfants sages. Un truc dans le fait qu'on laissait Beluga ouvert aux Alizés comme un moulin. Un truc chez ces pêcheurs qui chantaient pour revenir au port en faisant résonner leur coque métallique comme des djembés ou encore chez ces motards couronnés d'un casque de chantier pour parer la chute.
Il y a eu Tarafal, sur l'île de Santiago, où on a retrouvé des copains et leurs petiots. Là, le sable était blanc et il y avait même des cocotiers. Masques et tubas sont ressortis des fonds des coffres. Slackline et ballon de foot ont rebondi sur les pieds locaux et étrangers.
A l'autre bout de la plage, il y avait des barques multicolores. Quand elles revenaient du large, tellement bouffies par leur pêche, tous le bras de la plage s'unissaient pour les remonter ! Il y avait cette place aussi où, au retour de pêche, ça recousait les fines mailles d'énormes filets épuisés, posant de temps en temps l'aiguille contre une strela bien fraîche. Il y avait cette enfilade de gargotes où poissons du jour étaient fraîchement grillés pour quelques escudos, et un peu plus loin, le marché où Ilana nous a fait découvrir le fruit de l'arbre à pin. Des clébards nous escortant sympathiquement d'un endroit à l'autre, tout en remuant frénétiquement leur appendice caudale.
Il y a eu Sao Nicolau. On y a retrouvé Franscili. On a marché dans des prairies qui n'en étaient presque plus.
Puis sur l'autre versant, on a traversé des chemins bordés de bananiers, d'aloe ou de maracujas dont un paysan a rempli nos poches.
Les mômes y ont pêché la garoupa, des soles et même une petite murène qui a eu la bonne idée de confondre la ligne de Malo avec une de ses proies!
Il y a eu Boa Vista dont l'eau turquoise ont mené certains pieds jusqu'aux straps des planches à voiles tandis que les autres battaient à plein régime pour faire glisser les bodys!
Les dunes dignes de la skyline new-yorkaise invitaient au construction sans fin de cabanes et les gros fauteuils des bars de plage au crapahutage illimité des plus jeunes.
Il y a eu Santo Antao, petite Madère capverdienne où les pieds se sont cette fois glissés dans des chaussures de marche pour plonger dans un vert et un relief qu'aucune autre île n'avait nuancé à ce point, croisant par contre les mêmes regards rieurs malgré la bombonne de gaz de 13 kilos ou autres, qui pèse sur la tête mais qu'il faut remplacer au village, qui est en bas, tout en bas, au bout de serpentins qui n'en finissent pas!
Maintenant, il y a Sao Vicente qui passe un peu à la trappe car c'est la fin, car la liste est longue avant de larguer les amarres vers l'autre côté. On est quasi prêts... Et quand on arpente les rues de Mindelo pour dénicher les derniers indispensables avant départ, on regrette presque de l'être autant ! On s'rait bien resté un peu plus dans cette douce morabeza capverdienne...