Cavalcade...
Me voilà à Pointe-à-Pitre...
J'ai quitté Trinidad il y a à peine une semaine. Sur la route, mon ancre s'est posée dans les eaux de Grenade, aux abords de Saint-Georges, pour deux nuits. On y a retrouvé Axurit le bolide avec à son bord Doriane, Flo et Titouan. Il y avait là-bas aussi le petit bateau d'Eddie, le vrai Jack Sparrow des Caraïbes. Monsieur Johnny Depp peut en effet aller se rhabiller!
Après une brève journée de pause, Eddy embarque avec nous vers Carriacou, son île adoptive. On s'rait bien resté davantage. Grenade promettait des merveilles, mais on passe à côté, caressant seulement du regard ses mamelons dodus de végétations plantureuses et ses décolletés tombant sur des plages laissant rêveur. C'est au Nord de Grenade qu'on commence à vraiment jouer avec le courant tout en remontant au maximum le vent. On frôle le rocher du Diamant tout en évitant le volcan sous-marin Kick'em Jenny qui est un peu énervé en ce moment!
Le soir, on jette l'ancre à Carriacou. Certains vont se remplir les oreilles des steel drums et des percussions de Zulu, un pote d'Eddie. Le lendemain, mon équipage essaye de profiter des eaux turquoises du lagon de Carriacou tout en sachant qu'il ne faut pas traîner si on ne veut pas louper Gaëlle et Yonec en Martinique. Eddie a passé une dernière nuit dans ma cabine arrière et au petit matin, il a quitté le bord. A notre départ, il était sur la plage nous faisant de grands signes d'aurevoir. J'crois que tout le monde avait un p'tit pincement en voyant sa silhouette s'évanouir sur la plage alors que mon étrave pointait déjà le Nord des Grenadines. On est passé à l'Est d'Union, longeant Palm island et sa plage bordée de cocotiers agités par le vent. On avait tous envie de s'arrêter pour faire un plouf... Mais on a juste entendu un clic, celui de l'appareil photo. Gaëlle et Yonec ont définitivement transformé mon équipage en touristes japonais un peu pressés et moi en gros bus devant avaler les milles.
On est arrivés à Bequia en fin d'après-midi, dernière île des Grenadines. Il nous fallait attendre le bon courant avant de s'engager dans le chenal qui la sépare de Saint-Vincent. Juste le temps de manger, de boire un coup avec Axurit le bolide qui y était déjà, de renoncer dignement à fêter l'anniversaire de Doriane. Il fallait avancer... Alors après tout ça, l'ancre est levée en début de nuit, vers dix heures. Le courant nous jette miraculeusement au vent de Saint-Vincent, dans une mer hachée car contrariée par celui-ci. Il pleut, il y a quelques grains. Ca tire sur la gueule de tout le monde, sauf peut-être de ma dérive. On arrivera au nord de Saint-Vincent pile poil dans les temps pour choper le courant qui nous rentre à 10 noeuds vers Sainte-Lucie. En fin de matinée, on arrive au Nord de Saint-Lucie et le courant nous propulse sur Sainte-Anne, la pointe Sud de Martinique. Le vent me permet d'abattre enfin, d'ouvrir mes voiles, de respirer. Je déboule à 8 noeudss dans l'anse de Saint-Anne. Et sans le savoir, sans doute grâce à une bonne étoile, à une intuition discrète, mon ancre est jetée au pied de l'appart de Gaëlle, Yonec et Marco. A deux coups de rames d'une plage qui permet à ma p'tite famille de les rejoindre pour deux soirées! Ca s'retrouve, ça papote, ça boit du rhum et ça tarote. Ca écoute les colibris, les grenouilles, le clapotis des vagues et les palmes des cocotiers.
Puis ça passe vite, ça s'embrasse et ça s'dit au revoir. Quentin et Nina descendront là... Ca faisait trois mois qu'ils étaient là, à partager nos rires, nos pleurs, nos angoisses, nos enthousiasmes, nos coups de gueule et nos coups de mou. Autant dire que ça nous a fait bizarre. Mon ventre semble bien vide au moment du départ, mon équipage aussi, se sent un peu vide je crois. Mais d'un autre côté, on est à nouveau tous les six, mes bugale et moi. Et puis, il nous reste 110 milles avant d'accueillir à nouveau quelqu'un! Alors, on leur souhaite un heureux chemin à tous les deux et j'espère un jour croiser leur sillage à nouveau...
Alors c'est reparti... On remonte la Martinique. J'ai envie de jeter l'ancre au pied de Saint-Pierre et de sa montagne pelée et mon équipage d'aller randonner sur ses doux flancs, mais on m'arrise d'un deuxième ris dans la grand voile avant la pointe. Le vent montera à 25 noeuds mais nous permettra de passer au vent de la Dominique. La mer est désorganisée par un courant contraire qui nous aide aussi à passer à l'Est. On voit peu à peu les lumières des Saintes et de Marie-Galante. Jean-Sam et Sabine font de courtes siestes, de une heure en une heure pour réussir à tuer la nuit. Je m'amarrerai au ponton gasoil de la marina Bas du Fort à 4 heures et demi du matin. Ca s'endort pour un bref moment puis ça s'réveille avec une envie de croissants et de baguettes. Les yeux de certains sont cernés. Assez vite, vient l'heure de l'avion. Ils me quittent pour un engin qui roule et les emmène jusque l'aéroport, encore un peu échevelés, bien crevés et un peu malodorants!
Ils arriveront avant que l'avion n'atterrisse. Charlotte débarque après une brève attente. Je vais enfin la rencontrer, mon équipage va enfin pouvoir se poser un peu. Après cette folle cavalcade caribéenne, s'annoncent enfin les vacances... Oui, oui, vous avez bien lu. Même en voyage, parfois, on aspire à des temps calmes!