Safety first...
J'ai l'impression que quelque chose se prépare à nouveau... Ça va faire un mois que je sillonne les eaux bahamiennes depuis Inagua. Me voilà sur l'île de Grand Bahama, au mouillage dans un des méandres maritimes de Freeport. En terme de mouillage, on touche le fond. Rassurez-vous, ce n'est qu'une expression... Je veux dire par là que c'est pas ce à quoi j'ai été habitué ces dernières semaines. Mon ancre a croché dans des endroits souvent paisibles dignes des plus belles cartes postales.
Alors là, certes, c'est calme. Mais c'est un peu la sinistrose même avec au loin, la rangée de p'tites maisons colorées qui ressemblent de toute façon à des boites de chaussures.
Du coup, j'me dis que c'est pas pour le charme du coin qu'ils sont là. Ils sont partis et revenus plusieurs fois. A chaque fois, ils sont partis calmes et sont revenus énervés. Ils sont partis à vide, enfin, avec des poubelles malodorantes tout de même, et sont revenus chargés comme des bourriques. L'annexe en bave, elle me l'a dit. Il y a eu la bouffe. Il y a eu du gaz. J'ai l'impression que tout était un peu compliqué à terre. L'annexe me l'a dit aussi... ils l'avaient amarrée là mais ça n'allait pas. Du coup, faut aller plus loin, ici... Tout ça dit avec le sourire, pour rendre service, pour être plus "safe". Mais bon, ça goûte les barrières qui mordillent un peu de liberté, un peu d'autonomie. A terre, pas grand chose pour des gens qui n'ont que leurs pieds pour se déplacer semblerait-il. D'ailleurs, quand tu vois le gabarit des gens au volant de leur bagnole, tu te demandes s'ils se souviennent qu'ils en ont, des pieds. C'est presque comme dans ce film que les mômes regardaient souvent, Wall-E je crois.
A propos, je ne sais pas si vous savez, mais l'ordi de bord ne peut plus être rechargé. C'est la tête du cable d'alimentation qui fait un peu la tronche je crois. Du coup, ben, je n'entends plus l'éternelle rengaine "Mamaaaaan, on peut regarder un film?" . Cette question pouvait engendrer des humeurs bien maussades mais aussi des moments aussi calmes qu'une cour de récréation au milieu de l'été. Désormais, les parents n'ont plus cette magique touche "pause" pour se ménager une retraite stratégique. Les mômes occupent l'espace vital en permanence. Ça donne lieu à des scènes cocasses de pétage de plomb où père et mère se transforment en cocotte minute dont la soupape est défaillante. Les p'tits gars sont assez forts pour la gripper, cette soupape. Mais Marjane se défend elle aussi, attention! Ceci dit, j'assiste aussi à des moments familiaux uniques. Marjane et Fanch jouent plus que souvent aux doudous. Ils s'inventent des histoires à n'en plus finir sur le pont, en navigation ou au mouillage.
Les bouquins sont dévorés à vive allure et la reliure des megaspirou a du mal à suivre le rythme. On parle de 'Boni' ou des 'Nombrils', en passant par 'Seuls' ou 'Louca'.
Le jeu de Go est apparu ainsi que le Wom, un jeu haïtien. Le jeu d'échecs reste présent au top five.
Parfois, les legos sont de sortie. Parfois les playmos. Parfois les p'tits soldats. Parfois, ils se mélangent même dans un joyeux bordel mêlant, tant qu'on y est la collection de capsules.
C'est même arrivé qu'ils prennent leur cahier d'écrivain! Finalement, ils s'en passent assez bien de leur ordi... Et puis, je découvre les joies de la farine. Ils la transforment en tortillas, en p'tits pains, en scones, en pancakes, en pizzas, en cookies, en sablés... Les mômes aussi participent à cette farandole culinaire qui finit toujours par un haut moment gustatif partagé dans le cockpit où tout le monde est unanime sur le fait que c'est meilleur que toutes ces merdouilles sans nom que les supermarkets voudraient leur refourguer...! Vive l'autonomie, vive la liberté. Fuck you Etienne and Colette (Toledano et Nakache, 2009 pour les curieux).
Restera le plein d'eau et je crois que je serai paré. J'avais entendu parler d'une histoire à New York. C'est sans doute par là -bas que mon étrave va pointer. Paraît qu'il y a une statue de la liberté là-bas...