Beluga a fait escale sur trois des îles de l'archipel du Cap Vert...
La première, c’était Sal. Nous avons jeté l'ancre à Palmeira, petit port de commerce et de pêche. Un seul quai qui ne peut accueillir qu'un seul cargo qui charge et décharge tout près du port de pêche où sont regroupés surtout des barques qui sortent à la journée et qui paraissent minuscules face aux chaluts du Guilvinec.
Des rues et ruelles pavées de gros cailloux serpentent villes et villages où circulent surtout des pick-up, seuls les axes entre les villes sont macadamés. Quelques échoppes, presque uniquement tenues par des chinois, arrivés là on ne sait encore ni comment ni pourquoi. Échoppes qui tomberaient des nues même devant la grande surface d'une petite ville provinciale. L'Intermarche de Pleyben, ce serait le Beverly Hills du commerce ici... Pas d'"avenues" à marchandises dans ces chétives échoppes. On n'ose à peine appeler "rayons" les étagères qui exposent les quelques denrées. Au menu, boîtes de conserve d'origine portugaise, mais attention, très peu de plats préparés, juste la base comme des haricots rouges, des petits pois, du thon. Des huiles, de la farine, des légumes secs, du riz, un peu de pâtes. Fini le festival des questions existentielles devant 47 marques de dentifrices, 53 marques de jus de fruits, 18 sortes de pâtes. Finis les caddies tiens aussi. Ça fait presque bizarre de s'imaginer un caddie au bout des mains!
Les fruits et les légumes sont à prix d'or. Ben oui, quand t'as fait l'tour de l'île, tu comprends mieux pourquoi. Tout est importé, des îles de l'archipel ou de plus loin.
Palmeira, c'est aussi des jeunes et moins jeunes assis à l'ombre d'arbres dans lesquels des gamins pieds nus grimpent. D'autres consomment une bière à la terrasse d'un café, prêts à se déhancher à la moindre note de musique. D'autres encore jonglent une balle au pied sur la plage, au milieu de chiens curieux prêts à mordre dans l'objet rondelet. Un enfant invente le principe du syphon avec une vieille bouteille de plastique abandonnée et un bout de tuyau, il crée des volutes d'eau qui finissent sur les pavés poussiéreux après avoir été traversées par la lumière du soleil qui fatigue... C'est super joli.
Boa Vista et le petit village de Sal Rei nous ont tendu leurs plages de sables blancs, leurs dunes gigantesques, leur eau turquoise. Un écho des Glénans avec quelques degrés de plus. On ne dormait pas très bien dans le mouillage un peu rouleur les premières nuits, mais qu'est-ce qu'on s'est baigné par contre.
Ce petit bijou sur terre attire évidemment touristes et investisseurs... On a donc vu des paillotes comme dans les cartes postales où des gens bouquinent tout en se dorant la pilule et en sirotant un cocktail bien frais. On a vu des kite-surf à gogo et des veliplanchistes nous narguer à quelques brasses du bateau. On serait bien monté dessus! Tout ce business n'étant hélas pas aux mains de capverdiens mais d'italiens ou autres européens. On a moins senti battre le coeur de Boa Vista, il s'est un peu perdu dans le sable blanc. Du côté de Sal Rei, un peu plus ceci dit... On avait l'habitude de débarquer sur une petite plage où étaient mouillés les barques de pêche du coin, un peu écartée de la grande dune là où nait la baie. Là, on a vu des mamys capverdiennes venir se rafraîchir d'une baignade et se tailler un bout de discussion tout en infusant, on a vu des gamins venir jouer avec les nôtres, des pêcheurs débarquer leur recette alléchante...
Depuis quelques jours, Beluga est dans la baie de Tarrafal, sur São Nicolau. A nouveau des rues et ruelles poussiéreuses pavées de gros cailloux, des échoppes tenues par des chinois, des gamins un peu partout... surtout sur le quai où tu peux débarquer en annexe. Ils sont là, prêts à se porter garants de la sécurité de ton youyou, pour une piece6ou rien du tout. Des pêcheurs qui coupent et nettoient le poisson à l'endroit du débarquement, des femmes qui le vendent deux pas plus loin, ainsi que des fruits et des légumes un peu moins chers que sur Sal ou Boa Vista. Parce que Sao Nicolau est moins aride. C'est une île plus jeune qui n'a pas encore souffert de l'érosion. On l'a parcourue un petit peu, avec un chauffeur de pick-up et un capverdien surnommé FaNch - on prononce, à l'ibérique, le A et le N...
On a vu du vert comme en Bretagne... Mais pas avec des pommes au bout, avec du maïs un peu. De la canne à sucre, des manguiers, des tamariniers, des trucs avec des sortes de haricots blancs au bout, des papayers, des plantes grasses Ouillettes, etc, etc... Attention, le maïs, c’était pas la crise du logement comme en Bretagne. Ils avaient de la place pour s'exprimer les épis.
On a vu du jaune qui nous a fait un peu pensé au rouge de l'île de Sal. Grandes plaines désertes avec une végétation fragile, rase et cuite où déambulaient tout de même des troupeaux de maigres brebis ou chèvres.
On a vu du noir et du bleu, sur la côte... avec des pêcheurs qui regagnaient leurs pénates après avoir nettoyés la poiscaille du jour ou avec d'autres touristes qui, bouche bée, contemplaient comme nous le travail de l'érosion dont est capable une mer houleuse. Bref, un éventail de couleurs baigné des sourires des gens qu'on a croisés.
Alors oui, les étalages des épiceries sont presque aussi tristes qu'un frigo vide pour nous, c'est rare qu'il y ait l'eau courante et on n'a pas pris de douche depuis presque un mois, les îles sont tout de même pas mal polluées de déchets qui volent avec le vent, il n'est pas rare qu'on se demande si on s'est pas un peu fait arnaquer,... Mais il y a quelque chose de juste beau ici... Quoi au juste ? C'est un peu une mentalité à la con, finalement, de trouver jolies ces ruelles qui transpirent le manque, le précaire, le rude. D'apprécier l'absence d'hôtels et de touristes à gogo qui doivent tout de même un peu favoriser l'économie capverdienne, ou pour le moins, on l'espère.
Au-delà de ça, peut-être que ce qui est juste beau, c'est l'absence de superflu, le recours à presque rien pour tout : une canne à pêche avec une branche de canne à sucre, des voiles avec des sacs de riz cousus ensemble, un mat taillé dans les restes de la tige d'une plante qui a fleuri. Tiens, et puis d'ailleurs, on n'a croisé aucun panneau publicitaire... Ni sur Sal, ni sur Boa Vista, ni sur Sao Nicolau. Ce qui est juste beau, peut-être, c'est la liberté qui va avec tout ça, ils ont la tête fraîche des astuces qu'ils inventent pour palier aux manques, ils ont les yeux clairs, sans trop d'images prémachées par les lois de la vente... Et sur leurs escudos, il y a des arbres, des voiliers, des tortues et des instruments de musique!